Nous vivons dans un monde qui nous pousse à vivre de plus en plus rapidement et de plus en plus superficiellement. Ce sentiment d’urgence, partout et en toute chose, cette précipitation et cette vitesse incessantes, affectent notre respiration.
Par exemple, certaines personnes, sous l’effet du stress, de l’angoisse ou de la peur, respirent très vite, comme à la surface de leurs poumons. Le cas échéant, le corps n’arrive plus à conserver le bon équilibre respiratoire : il rejette trop de dioxyde de carbone et ne capte plus assez d’oxygène, ce qui peut provoquer des sensations d’hyperventilation, de vertige et d’asphyxie.
D’autres personnes respirent bruyamment, incorrectement ou insuffisamment. Il arrive parfois que chez certains, le souffle se loge dans la partie supérieure du thorax, tandis que le bas de l’abdomen semble privé d’oxygène. Cette respiration, dite thoracique, tend à être plus courte, rapide et superficielle. Chez d’autres encore, on observe le contraire : la respiration se loge dans le bas du ventre, tandis que le haut du corps reste immobile. Ces deux façons de respirer sont incomplètes et souvent responsables d’un état de nervosité et d’une sensation d’épuisement.
Reprendre le contrôle de son souffle, c’est reprendre le contrôle de son esprit et de sa vie !
Et pour y parvenir, nous devons apprendre à nous détendre intérieurement, et tout particulièrement le ventre, pour aider le diaphragme à descendre et ainsi favoriser une respiration plus ample et plus profonde.
Pour ma part, il y a vingt-cinq ans, l’idée que je puisse travailler de concert avec mon souffle pour descendre plus profondément en mon corps m’était étrangère. Lorsque j’ai débuté le yoga, tout ce que je connaissais de ma respiration était ce petit va-et- vient de l’air que je percevais parfois dans mes narines. Qu’il puisse y avoir un lien entre ma façon de respirer et ma relation avec l’instant présent ne m’avait jamais effleuré l’esprit.
J’ai découvert avec étonnement que le souffle, non seulement nous révèle des aspects cachés de nous-même, mais qu’il en dit aussi long sur notre relation avec l’instant présent et le monde qui nous entoure. Par exemple, j’ai constaté que lorsque je me sentais mal à l’aise dans une situation, ma posture s’écrasait de l’intérieur. Si je souffrais d’un excès de confiance, mes épaules pouvaient se soulever et j’avais alors l’impression que ma respiration restait cramponnée dans le haut du corps.
Mais dès que j’allongeais consciemment mon expiration, je ressentais les forces vivifiantes du bas-ventre qui me supportaient de l’intérieur. Cette découverte de la puissance contenue dans la détente du bas-ventre fut pour moi des plus fascinantes. J’imaginais alors le bas de mon corps prendre la forme d’une poire, comme les chanteurs d’opéra, chez lesquels le bas-ventre s’avance un peu et la région lombaire s’amplifie.
Le fait de nous « installer » ainsi dans notre bassin nous incarne en nous-même et nous ancre solidement au moment présent. Peu de temps après, j’apprenais que le bas-ventre est un réservoir d’énergie vitale que les taoïstes appellent le dan tian inférieur, ou « centre de l’être ». Ce centre énergétique, nous le possédons tous. C’est le point d’entrée qui mène à la totalité de notre être. Et notre souffle, tout particulièrement notre expiration, connaît la voie pour y accéder.
Alors, la prochaine fois que vous vous sentirez tendu, stressé, épuisé, prenez conscience de vos expirations. Assurez-vous qu’elles sont longues, conscientes et profondes. Chaque fois que votre corps expire, profitez-en pleinement pour vous détendre, pour relâcher vos tensions et pour vous ressourcer intérieurement.
Que la vie vous soit douce,
Nicole
(Extrait tiré de “Respire”, éditions Nil, 2018)