Chers amis,
J’ai cherché un beau cadeau à vous offrir pour la St-Valentin. Je souhaitais vous partager quelque chose qui puisse vous apporter de la joie, de l’espoir, de la confiance et du bonheur. Et ce matin, j’ai trouvé ! J’aimerais vous partager l’une de mes histoires d’amour préférées. C’est une merveilleuse anecdote que celle que l’on raconte au sujet de cet écrivain au coeur immense. Et le fait qu’elle soit véridique m’attendrit aux larmes chaque fois que j’y pense. J’espère que cette lecture vous apportera aussi un peu de bonheur.
Nous sommes en 1924. C’est la dernière année de la vie de Kafka. Il souffre de tuberculose et il n’existe pas encore de remède pour guérir de cette terrible maladie. Un jour au cours d’une promenade dans le parc de Steglitz, Kafka aperçoit une fillette en sanglots. Le célèbre écrivain lui demande ce qui ne va pas. En pleurant désespérément, l’enfant lui explique qu’elle a perdu sa poupée préférée. Du coup, Kafka décide d’inventer une fabuleuse histoire pour apaiser le chagrin de l’enfant.
Ta poupée est partie en voyage, dit-il.
Comment le savez-vous ? demande la fillette.
Parce qu’elle m’a écrit une lettre, répond Kafka à l’enfant.
Vous l’avez sur vous ? demande-t-elle sur un ton de méfiance.
Non, je regrette, dit-il. Je l’ai laissée chez moi par erreur, mais je l’apporterai demain. »
Kafka, qui n’a pas l’intention de décevoir la fillette, rentre droit chez lui pour écrire la lettre. Il s’assied à sa table de travail et Dora, la femme dont il est grandement amoureux, remarque qu’il rédige cette lettre avec le même sérieux, la même dévotion que lorsqu’il compose ses propres œuvres.
Ce qu’il fait là, dit-il à Dora, c’est un vrai travail littéraire, et il est décidé à le faire au mieux. S’il peut concocter un beau mensonge bien persuasif, il compensera la perte de la fillette par une réalité différente – fausse, sans doute, mais véridique et vraisemblable selon les lois de la fiction.
Le lendemain, au parc, la petite fille l’attend. Comme elle n’a pas encore appris à lire, il lui fait lecture de la lettre à haute voix. Dans ces pages, la poupée expliquait gentiment qu’elle est désolée, mais elle a eu besoin de changer d’air. Ce n’est pas qu’elle n’aime pas la petite fille, au contraire, elle lui est très attachée, mais elle avait très envie de voyager de par le monde. La poupée promet d’écrire à la fillette tous les jours pour la tenir au courant de toutes ses aventures.
C’est ainsi, raconte Dora, que Kafka rédigeait chaque soir une lettre avec une extrême attention au détail pour que sa prose soit précise, drôle et captivante. Assis devant sa lampe à pétrole, Kafka décrit des pays qu’il n’avait jamais vus, raconta des histoires dramatiques, mais qui finissent toujours bien : la poupée grandit, va à l’école, fait de nouvelles connaissances. Elle continue à assurer la fillette de son amour, mais elle fait allusion à certaines complications dans sa nouvelle existence et d’autres obligations qui lui rendent impossible le retour à la maison.
Tous les jours pendant trois semaines, il est allé au parc lire une nouvelle lettre à l’enfant. Petit à petit, Kafka prépare la fillette au moment où sa poupée disparaîtra à jamais de son existence. Il y pense, y repense, en discute avec Dora. Il s’efforce d’arriver à un dénouement satisfaisant, craignant, s’il ne réussit pas, que le charme magique se brise.
Après avoir fait l’essai de plusieurs possibilités, il finit par décider de marier la poupée. Il décrit le jeune homme dont elle tombe amoureuse, la célébration des fiançailles, les préparatifs du mariage, la cérémonie à la campagne, jusqu’à la maison où la poupée et son mari vivent désormais. Et enfin, à la dernière ligne, la poupée fait ses adieux à sa chère amie.
À ce moment-là, la poupée ne manque plus à la petite fille, car tout en conservant vivantes en elle la trace et la mémoire de cet amour, Kafka lui avait enseigné grâce à son infinie compassion, la plus belle leçon du monde: l’amour véritable, même s’il change de forme, ne nous quitte jamais !
Puissiez-vous, recevoir tout l’amour que vous désirez. Puissiez-vous vous accorder tout l’amour et le respect que vous méritez !
De tout coeur,
Nicole
( Il existe différentes versions de cette histoire. Je n’ai malheureusement pas noté d’où me vient cette version de l’histoire, mais pour en savoir plus, consultez ces beaux ouvrages sur le sujet : « Kafka », Pietro Citati, Gallimard. « La poupée de Kafka », Fabrice Colin, Actes Sud. « Kafka au parc », Didier Lévy et Tiziana Romanin, Sarbacane.)